La rédaction et l’actualisation du projet d’établissement ou de service ne sont pas un pensum réglementaire. Il donne du sens et de la valeur sociale à l’accompagnement réalisé par les professionnels. Conseils pour sortir de l’exercice formel et aller vers un outil de management au service des équipes.

L’élaboration et l’actualisation du projet d’établissement ou de service dépendent de conception que la direction se fait de cet exercice imposé tous les cinq ans. Lequel a longtemps été pris comme une réponse formelle à obligation législative. « J’ai souvent vu des projets d’établissement qui tenaient plus de la lettre au père Noël ou du catalogue de valeurs, pointe ainsi Philippe Gaudon, président délégué général du cabinet conseil Efects, à Paris. Ils doivent avoir une visée opérationnelle et être accompagnés d’un plan d’action pour évaluer la mise en œuvre des objectifs. »

« Il est aussi essentiel de clarifier les raisons de l’élaboration du projet d’établissement : est-ce pour développer de nouveaux services ? Engager une réflexion sur l’accompagnement ? Revenir aux besoins du territoire ? », recommande Myriam Lucas Veyrunes, directrice d’établissement à mi-temps et gérante du cabinet de consultants Scop Varap, à Grenoble.

Revenir aux fondamentaux

Le secteur compte près de 80 types de structures, désignées par des acronymes complexes. Pour chacune, des textes réglementaires précisent leurs missions. « Repartir impérativement de ces missions, les identifier, les dénombrer afin de déterminer les six ou sept objectifs que la structure devra développer est la première étape. Et elle est fondamentale », insiste François Charleux, directeur du cabinet RH & Organisation. En effet, ces textes sont peu connus des professionnels de terrain qui fonctionnent beaucoup par réitération de ce qu’ils ont fait jusqu’à présent. II est donc très utile d’examiner objectivement les missions dévolues par type d’établissement. « Le projet d’établissement est une ambition partagée qui réunit des équipes pour sa mise en œuvre et dont on rend compte régulièrement. » Le projet d’établissement a pour objectif d’analyser et de formaliser les besoins d’une population sur un territoire donné. Exemple pour les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) : maintenir les liens affectifs et familiaux, alors que le profil des résidents, dont l’âge d’admission est passé de 80 ans en 1990 à 85 ans en 2011[1], a changé. « Le projet d’établissement permet d’adapter les missions aux besoins identifiés du public », confirme ainsi Myriam Lucas Veyrunes.

Associer toutes les parties prenantes

Après cette analyse, il est possible de définir les objectifs du projet à bâtir ou actualiser. « À ce stade, il est essentiel d’associer les équipes, insiste François Charleux. C’est parfois un peu complexe selon la taille de l’établissement. Mais il ne faut pas hésiter à passer du temps sur les séquences qui apporteront une forte valeur ajoutée aux professionnels et aux usagers. La participation des premiers doit se calibrer à la hauteur de l’ambition que l’on a de voir évoluer les pratiques dans tel ou tel champ. » Attention à avoir une représentation de tous les corps de métiers de la structure. Et pour Philippe Gaudon, « au-delà, il est important d’impliquer les usagers autant qu’il est possible, via leurs représentants ou des gens motivés et engagés ».

Sans oublier les partenaires, c’est-à-dire l’ensemble des institutions amenées à travailler avec l’établissement : l’Éducation nationale, l’hôpital, les associations sportives, les acteurs culturels, etc. « L’établissement est aujourd’hui une structure ouverte et tout son environnement doit pouvoir contribuer à cette réflexion », renchérit Philippe Gaudon.

S’en tenir à une méthodologie rodée

Pour impliquer tous ces acteurs, un comité de pilotage étendu est de mise afin d’appuyer la direction. Notamment avec les représentants de la gouvernance associative. « Dans un premier temps, une équipe de direction élargie construit la philosophie du projet et engage le processus. Il vaut mieux commencer par quelque chose de simple qui fait sens et l’enrichir au fur et à mesure, conseille François Charleux. Le projet doit se construire par des allers retours avec le terrain. Le groupe de pilotage aura pour mission de formaliser le document. Ce travail ne doit pas s’éterniser : trois à quatre mois tout au plus. » Myriam Lucas Veyrunes utilise le jeu et la pédagogie participative empruntée à l’éducation populaire. Il faut trouver le bon fil rouge, celui qui apporte du sens. « Je suis intervenue dans une maison d’enfants à caractère social (MECS), dont les locaux avaient été totalement rénovés. Les travaux avaient permis d’exhumer 75 ans d’archives : tous les cahiers que les religieuses tenaient ! Le fil rouge était tout trouvé : revisiter les pratiques au regard de celles qu’il y avait avant, raconte-t-elle. Dans un foyer d’hébergement de Mornant, le directeur n’avait pas de vision à moyen terme. Nous avons épluché le schéma départemental et travaillé sur le vieillissement des personnes et ce que cela induisait. Un sujet qui n’avait jamais été abordé de façon explicite. »

Ne pas laisser le projet dans un tiroir

« Le projet d’établissement n’est pas un document. C’est une ambition partagée qui réunit des équipes pour sa mise en œuvre et dont on rend compte et se rend compte régulièrement, tous les six mois, un an », insiste François Charleux. Il ne faut donc pas attendre cinq ans pour évaluer un projet ! Cette démarche s’élabore par la remontée des données issues des projets personnalisés. S’il y a des écarts avec les objectifs fixés, il est essentiel que ceux-ci soient partagés avec les professionnels eux-mêmes.

[1]  693000 résidents en établissements d’hébergement pour personnes âgées en 2011, Études et résultats n° 899, Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), déœmbre2017

2017_12 Les bonnes pratiques du projet d’établissement-Directions